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“Des annuelles pour un fleurissement plus créatif !”

Sophie Garreau, responsable du fl eurissement aux Ulis (91), veut mettre un frein à l'usage des vivaces et retravailler les annuelles pour éviter la banalisation.

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Depuis quatre ans, la ville des Ulis (91) est « à fond dans le durable », estime Sophie Garreau, responsable du fleurissement. Tout y est. Les arbustes et les vivaces au pied des trames arborées. Le paillage. La participation des habitants et, bien sûr, les jardins partagés... Dès 2008, le fleurissement durable s'est mis en place progressivement : diminution des annuelles de 30 % les deux premières années, de 70 % les deux suivantes, pour passer à 90 % au terme de la quatrième. L'objectif étant de fleurir sur les quatre saisons avec des plantes vivaces, arbustives et bulbes, et, au bout de quatre ou cinq ans, ne conserver que 10 % d'annuelles. « La recette existe et fonctionne parfaitement. Il est possible de fleurir en quatre saisons. Le résultat est très professionnel et relève de bonnes pratiques de jardinage », estime Sophie Garreau.

Dans cette « ville nouvelle » (qui ne l'est plus tant aujourd'hui, puisqu'elle a été construite dans les champs, à une trentaine de kilomètres de Paris, il y a maintenant trente-cinq ans), l'ambiance est un peu étrange. Aucun vrai centre-ville n'existe, on a le sentiment de passer de quartier périurbain en quartier périurbain. L'habitat y est presque exclusivement collectif, et un grand centre commercial jouxte quasiment la mairie. « Les Ulis, je connais, c'est un centre commercial », affirme d'ailleurs un habitant d'une commune toute proche. C'est dire si la ville n'est pas franchement du genre « d'art et d'histoire ». Mais l'ambiance, pour étrange qu'elle soit, n'en est pas moins très verte. Les projets de rénovation urbaine sont nombreux dans cette cité dont l'habitat typique des années 1960- 1970 a plutôt mal vieilli. Les chantiers y sont bien menés, les grandes pelouses qui s'étendaient entre les immeubles ont été remplacées par des massifs de vivaces et d'arbustes. Les arbres ont en grande partie été conservés. Et si Sophie Garreau regrette que les architectes et paysagistes aient la main un peu lourde sur les graminées, il n'en demeure pas moins que les immeubles conservés et rénovés offrent une meilleure qualité de vie, tout en générant un travail d'entretien « différencié qui demande plus de connaissances du jardinage ».

« Mais ces rénovations proposent beaucoup de plantations à base de vivaces, les mêmes que l'on retrouve en majorité au coeur de nos ronds-points. Cela banalise notre fleurissement quatre saisons, qui ne parvient pas, surtout l'été, à imposer un style, une ambiance, des couleurs... tous ces éléments, qui au travers de la plantation d'annuelles, apportent une mise en scène et un spectacle éphémère. Nous ne réussissons pas à raconter autant d'histoires avec les vivaces qu'avec les annuelles. Elles véhiculent presque toujours l'image de “land art”, de “nature sauvage”. Au terme de cette expérience, ce fleurissement n'est pas le modèle unique à proposer aux Ulissiens », conclut Sophie Garreau. Ce sentiment lui a été confirmé par Marie et Alain Bizet, formateurs spécialisés qui sillonnent régulièrement la France. La formation qu'ils ont mise en place aux Ulis a donné envie aux participants de réexplorer la gamme des annuelles. Résultat : la ville est en train de partir à contre-pied de bien d'autres, en affirmant haut et fort son souhait de redynamiser le fleurissement en le recentrant sur les annuelles, « qui permettent une plus grande créativité ». Mais pas question de planter plus d'annuelles dans les parterres existants : « Nous réfléchissons plutôt à redéfinir de nouveaux espaces, où nous pourrions installer de beaux massifs, arrosés si besoin, qui nous permettraient d'exprimer notre savoir-faire. » Dans une ville sans histoire et dotée de peu d'âme, les endroits à fleurir se résument surtout aux ronds-points. L'idée serait donc d'amener des fleurs ailleurs, comme sur cette grande pelouse qui part de la mairie, longe la piscine, construite il y a trois ans, et mène au centre commercial... Elle est largement arborée ? Qu'à cela ne tienne, il serait bien imaginable de supprimer quelques sujets !

La ville compte aujourd'hui douze points fleuris. Chacun ayant un référent : « Lorsque j'ai été chargée de gérer ce service, j'ai voulu responsabiliser chaque agent en lui confiant un site sur lequel il puisse s'exprimer », précise Sophie Garreau. Huit de ces référents ont choisi d'emboîter le pas de leur responsable : ils referont totalement leur massif l'an prochain pour le passer en annuelles. Les quatre autres ont décidé de garder leur fleurissement quatre saisons, mais n'ont qu'une envie : travailler à la création d'un massif événementiel composé à 100 % d'annuelles. La ville s'apprête donc à faire une nouvelle révolution, que la botaniste imagine presque comme naturelle : « Nous étions partis entièrement sur les vivaces, mais mon point de vue a changé. Aller aussi loin était une erreur - heureusement sans conséquences - qui nous a appris beaucoup et que nous sommes en train de corriger. »

Malgré la formation que l'ensemble du service a suivie, la question est de savoir comment chacun saura mener à bien son projet avec une gamme végétale dont il n'a pas, ou plus, l'habitude. « La plupart des agents sont arrivés récemment. Ils ont connu d'emblée la difficulté des vivaces, sur lesquelles leur formation initiale a été particulièrement légère. Je pense que manipuler des annuelles ne devrait pas être aussi ardu », estime Sophie Garreau. Et la grande mutation est prévue pour l'année prochaine, alors que la commune ne recevra pas de jury de fleurissement. Car si la responsable a carte blanche pour fleurir la ville, elle sait aussi qu'elle ne doit pas perdre sa troisième fleur au palmarès. Le travail de redécouverte de la gamme d'annuelles devrait aussi permettre de recentrer un peu la palette végétale de la ville : « J'aimerais que les agents se fassent leur propre base, qui leur permettra de s'exprimer pleinement, sans mettre en oeuvre une palette trop large. On a presque trop de végétaux aujourd'hui dans la ville, il faut recadrer un peu. »

Les prochaines orientations devraient chambouler une nouvelle fois l'aspect de la serre de production, un abri de 1 500 m2 construit en 1983. Lorsque Sophie Garreau est arrivée, en 2003, deux des trois chapelles étaient cultivées en annuelles, soit 50 000 unités produites par an, environ. Elles ne sont plus guère que 12 000. Sans atteindre les niveaux de production initiaux, les annuelles devraient retrouver un certain lustre dans la serre. Avec toutefois une évolution dans la gamme : « J'essaie régulièrement des choses nouvelles. J'incite les agents à utiliser les plantes qui fonctionnent bien dans leurs massifs, quitte à les rajouter dans leur liste de végétaux à acheter au moment des commandes. Globalement, je trouve que les jeunes qui sortent maintenant de formation connaissent mal les plantes. Ce n'est pas dû qu'à l'enseignement, il y a aussi un manque d'investissement personnel. »

Les Ulis, un exemple isolé dans un marché des collectivités aujourd'hui largement tourné vers une végétalisation pérenne dans le but de faire des économies de temps ? Un peu, certes. Mais il témoigne d'une interrogation que quelques voix hésitent de moins en moins à faire entendre : pourra-t-on longtemps parler de fleurissement sans mettre en oeuvre un minimum d'annuelles, qui ont vraiment la capacité à fleurir la période estivale ? Le sujet a été évoqué lors des conférences dédiées au paysage au Salon du végétal. Il est souvent évoqué par le monde de la production qui voit sa clientèle changer un peu trop vite à son goût. Nul doute qu'il ne manquera pas de se poursuivre au cours des prochains mois...

Pascal Fayolle

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